Mon focus scientifique concerne le rôle et le comportement des top-prédateurs marins au sein des écosystèmes, et les interactions avec l’homme. Mon modèle animal de prédilection sont les requins au sein des écosystèmes tropicaux, caractérisés par leur complexité fonctionnelle.
Je me suis spécialisé sur les grands requins, représentant un danger potentiel pour l’homme, à savoir le requin Blanc (Carcharodon carcharias), le requin Tigre (Galeocerdo cuvier), le requin Bouledogue (Carcharhinus leucas) et le requin océanique (Carcharhinus longimanus) que j’étudie dans le Pacifique Ouest et Est, notamment autour de la Nouvelle-Calédonie en Polynésie française, depuis 2005. Outre une approche écologique classique, je me suis focalisé sur le comportement et la compréhension des morsures sur l’homme.
J’ai beaucoup travaillé sur le requin Citron Faucille (Negaprion acutidens) dans le contexte du nourrissage artificiel (shark feeding) en Polynésie française, entre 2005 et 1010, en étudiant à la fois l’impact des pratiques sur la biologie des animaux et les risques de morsure sur l’homme, potentiellement engendrés par le nourrissage.
J’ai aussi développé depuis 2012 une approche économique et éco-anthropologique de la problématique de conservation des récifs coralliens en général et des populations de requins en particulier. Mon approche passe par l’utilisation du concept de « services écosystémiques » et le développement des outils que sont les « paiements pour services écosystémiques » ou la mise en œuvre des Aires Marines Gérées.
En marge de ces axes spécifiques, je continue à publier sur d’autres domaines d’intérêts pour moi que sont l’éthologie chez les cétacés odontocètes (à dents), l’éco-toxicologie (en particulier la ciguatéra), l’écologie des poissons de récifs, ou encore l’apnée chez l’homme.
J’ai collaboré avec des dizaines de personnes dans le cadre de mes recherches scientifiques et la liste ci-contre est forcément incomplète. Ne sont présentées ici que les personnes avec qui je collabore actuellement et plus particulièrement. Que certains absents de cette liste me pardonnent s’ils jugent avoir été indûment oubliés…
Ce projet a débuté en 2014 sur la base de la publication dans la revue de la Communauté du Pacifique d’un article co-écrit avec Nicolas Pascal (Spécialiste en économie de l’environnement) (Clua and Pascal 2014). L’objectif est de décrire de la façon la plus exhaustive possible tous les services écosystémiques fournis par les requins en les isolant, les caractérisant biologiquement et en proposant une évaluation économique de chaque services et ce, afin de promouvoir l’importance des requins dans les écosystèmes marins.
Clua, E., Pascal, N. (2014) Shark-based ecotourism in the South Pacific : toward the Payment for Ecosystem Services ? SPC Fisheries Bulletin. 144, 30-34.
Ce projet a débuté en 2022 dans le cadre de l’ANR Etho-Predator qui a permis l’affectation d’un doctorant sur cette île fidjienne où s’est développée une activité éco-touristique basée sur l’observation en plongée des requins. Ce contexte a permis l’accès à une population de requins bouledogue afin d’étudier leur comportement individuel. Le projet KUATA+, qui intègre une collaboration avec l’équipe du Dr Carl Meyer (Université de Hawaii), consiste à appuyer la dynamique vertueuse actuelle de développement durable autour de la création d’une Aire Marine Protégée sur le récifs de Yakawe. La rente économique dégagée grâce à l’activité écotouristique doit permettre la mise en place de paiements pour services écosystémiques dont les retombées financières vont bénéficier aux villages fidjiens environnants afin d’améliorer leur niveau de vie et leur capacité à gérer durablement l’AMP, en ayant recours à une recherche scientifique adaptée.
Ce projet a débuté lors de ma participation à une mission de science participative organisée par Michel Labrecque (N2PIX) sur l’atoll de Clipperton (1000 km à l’ouest du Mexique) à bord du navire Quino El Guardian, avec à bord 14 éco-touristes plongeurs et trois scientifiques, à savoir Mauricio Hoyos (Mexique), Sandra Bessudo (Colombie) et Eric Clua (France). Cette mission a été l’occasion de capturer des requins pointes blanches (Carcharhinus albimarginatus) et des Galapagos (C. galapagensis) avec des tag acoustiques et satellitaires, afin d’étudier les mouvements de ces poissons à l’échelle régionale; des prélèvements d’ADN ont aussi été effectués. L’enjeu global est de mieux appréhender les déplacements des requins migrateurs entre les archipels du Pacifique Est Tropical, notamment les Revillagigedo (Mexique) et les composantes du CMar « Corridor Maritime du Pacifique-Est-Tropical » incluant les Galapagos (Equateur), Malpelo (Colombie) et Cocos (Costa Rica). Ce projet doit contribuer à ce qu’à termes, la France puisse intégrer le CMAR, sur la base d’une protection effective de l’atoll et des eaux de CLIPPERTON. Des missions de suivi se sont déroulées en 2018 (via l’expédition TARA PACIFIQUE) et en 2019, en coopération avec le Mexique (sur le navire CARANZA FRAZER). Suite à une pause liée au COVUD19, une expédition en Mars 2024 a été repoussée au premier semestre 2025.
Ce projet vise à:
Bien que les attaques fatales de requin soient très rares dans le monde, elles sont hyper-médiatisées et renforcent la vision négative par le public de ces animaux. Dans le cadre d’attaques suivies du décès d’usagers de la mer, cette perception contribue à la mise en œuvre de campagnes aveugles d’éradication des squales qui reposent sur l’hypothèse que chaque requin matérialise une probabilité non négligeable d’attaquer un homme. Aussi, une réduction du nombre de requin engendrerait une baisse du risque d’attaque. Sauf à conduire à l’éradication totale des animaux (peu envisageable) où à capturer incidemment l’animal responsable d’une attaque (peu probable), cette hypothèse est fausse et, au delà du problème déontologique, entraine un coût écologique insupportable. Cette hypothèse reposant sur la densité des requins peut être qualifiée d’ »approche écologique ». C’est cette même approche « écologique » qui cherche, vainement à ce jour, à expliquer les attaques par des facteurs environnementaux ou anthropiques dont l’évolution expliqueraient les attaques.
Mon projet consiste à promouvoir et tester l’hypothèse selon laquelle les attaques s’expliqueraient plus efficacement avec une approche « comportementale » qui veut que de façon inhérente à leur statut de prédateurs apicaux extrêmement flexibles, certains requins développeraient de façon très marginale et stochastique une affinité « anormale » pour l’homme. Ainsi, la gestion efficace des attaques passerait non pas par des études -telles que menées actuellement- à caractère « écologique » mais à caractère « comportemental ». Concrètement, le nourrissage artificiel d’une population de requins potentiellement dangereux permettrait de concentrer les requins afin de les identifier individuellement. Cette proximité permettrait non seulement d’évaluer leur densité mais surtout leur « personnalité » (notamment le comportement vis à vis de l’homme). Pour autant que l’hypothèse d’une raréfaction des ressources alimentaires d’une population donnée de requins soit recevable en terme de facteur contributif aux attaques, un nourrissage intensif pourrait accessoirement servir d’exutoire alimentaire en captant des agresseurs potentiels d’êtres humains. Cette hypothèse de travail, qui relève de l’application au milieu marin du concept « d’animal à problème » développé en milieu terrestre (lions, tigres, crocodiles, etc.), aurait le mérite de désamorcer des situations de blocage radical entre défenseurs d’une éradication totale des requin et promoteurs de leur hyper-protection. Elle suggère que le problème des attaques pourrait à terme se résoudre avec l’élimination, très ciblée et justifiée, d’individus à risques, sans trop nuire à la population globale.
Ce projet est la déclinaison polynésienne d’une initiative internationale portée essentiellement par des chercheurs américains et australiens, spécialistes des élasmobranches (voir https://globalfinprint.org/). Elle a pour but de déterminer les facteurs environnementaux et humains déterminant, à une macro-échelle, la densité et la diversité spécifique des requins et des raies autour des récifs coralliens (essentiellement les pentes externes). La méthode consiste à utiliser un système de caméras fixées à proximité d’un appât afin d’attirer les poissons, et de les filmer pendant plusieurs dizaines de minutes (dénommées BRUVs). En marge de ces informations, des relevés sont effectués pour évaluer la biomasse en poissons disponibles pour l’alimentation dees prédateurs, les caractéristiques du milieu et l’impact anthropique. En Polynésie française, six sites sont pré-identifiés pour la collecte de données dont trois îles hautes (Mooréa, presqu’île de Tahiti et Maupiti) et trois atolls (Rangiroa, Apataki et Ahe) sur des missions qui s’étaleront entre novembre 2016 et juin 2017. Les sites ont été choisis en fonction d’un gradient décroissant de pression anthropique.
Ce projet s’inscrit dans la continuité du projet EcoReq I, décrit ci-après. Son lancement a été rendu possible par l’obtention d’un appui financier du Ministère de l’Ecologie et du Développement Durable, auquel devrait se rajouter l’appui financier de l’IFRECOR et du programme RESCCUE (sur financement de l’Agence Française de Développement). Ce nouveau projet poursuit l’objectif d’étudier les effets du nourrissage sur les requins Citron. Le projet se veut néanmoins plus large en intégrant d’autres espèces de requins (tel que le Tigre) et d’autres sites, tels que Bora-Bora. Il intègre aussi un volet génétique visant à évaluer l’impact potentiel du feeding sur la résilience des populations de requins concernés. Le comportement des animaux en intra-spécifique mais aussi en inter-spécifique (entre espèces de requins et avec l’homme) est développé, notamment à travers une thèse effectuée par Pierpaolo Brena, sous ma co-direction avec Serge Planes. Enfin, la dimension économique est très présente avec un volet visant à caractériser le rôle des requins dans les services écosystémiques fournis autour de Moorea et l’étude de mise en place de mécanismes tels que le « paiement pour services écosystémiques », notamment dans le secteur de l’écotourisme reposant sur le feeding ou simplement le shark watching. Des publications scientifiques ont déjà été concrétisées sur ces sujets.
Ce projet s’est inscrit dans la dynamique de création d’un partenariat entre la France et l’Australie pour une gestion concertée et durable de la Mer de Corail, initié en 2008 avec l’appui de la cellule de coordination du programme CRISP. Les Chesterfield sont un archipel dans la Zone Economique Exclusive de la Nouvelle-Calédonie, à mi-chemin avec l’Australie, en plein milieu de la Mer de Corail. Cet endroit est un maillon potentiel important de la connectivité entre ces deux îles de grande taille, pour les espèces structurant la résilience des écosystèmes coralliens respectifs, tous deux classés au patrimoine mondial de l’Unesco.
Sur la base d’un financement entre le secrétariat de la Communauté du Pacifique (CPS) et le Programme Régional Océanien pour l’Environnement (PROE), deux missions de prospection ont été organisées dans le cadre de ce projet, respectivement en juillet 2010 et novembre 2011. La première mission réunissait 12 scientifiques qui avaient pour objectif de i) Capitaliser des informations concernant la diversité biologique de la zone en coraux scléractinaires, poissons osseux de récif, oiseaux et cétacés ; ii) Recueillir des informations sur l’état de santé de l’habitat corallien et l’importance des populations de la zone en invertébrés benthiques d’intérêt commercial, poissons osseux d’intérêt commercial, requins de récifs et grands requins, oiseaux et cétacés ; iii) Mettre en œuvre une étude sur l’écologie des grands requins fréquentant la zone. La deuxième mission ne comportait que sept scientifiques qui se sont focalisés sur le relevé des pontes de tortues, le suivi de l’avifaune et le comptage des requins de récifs et le marquage des grands requins. Deux rapports ont été publiés sur le sujet, de même que des articles scientifiques.
Ce projet est né de ma rencontre avec Jonathan Werry, alors qu’il débutait son PhD à l’Université de Griffith, en Australie de l’Est. Jonathan focalisait son PhD sur l’étude de l’utilisation des habitats côtiers par le requin Bouledogue (Carcharhinus leucas) et me proposait de valoriser son savoir-faire en matière de capture et marquage des grands requins pour lancer une étude sur la connectivité des grands requins en Mer de Corail. Des contacts ont été pris avec le CRIOBE en Polynésie française pour formaliser une collaboration technique sur le sujet, liant le Secrétariat de la Communauté du Pacifique à Nouméa, l’Université de Griffith en Australie et le CRIOBE en Polynésie française.
Des financements ont été obtenus par la cellule de coordination du CRISP notamment auprès de l’Agence Française de Développement, du Fonds Pacifique pour la coopération régionale, afin que J. Werry puisse effectuer un post-doc sur le sujet et développer avec moi un programme de marquage d’une quarantaine de requins Tigre (Galeocerdo cuvier) de part et d’autre de la Mer de Corail, ainsi qu’une douzaine de requins Bouledogues.
Ce projet a débouché sur la publication de plusieurs articles scientifiques sur le sujet.
Ce projet est né de ma rencontre avec Nicolas Buray, alors moniteur de plongée professionnel basé à Moorea en Polynésie française. Passionné par les requins, Nicolas mettait à profit ses plongées journalières d’encadrement de touristes sur un site de shark feeding pour relever la présence d’une trentaine de requins Citron qu’il était parvenu à identifier individuellement.
Après avoir dégagé des financements issus de la cellule de coordination du programme CRISP, nous (Serge Planes du CRIOBE et moi-même) avons proposé à N. Buray de préparer un diplôme EPHE reposant sur l’étude des effets du nourrissage sur l’écologie comportementale de cette espèce. Outre la réalisation de ce diplôme soutenu en 2010, ce projet a permis la publication de plusieurs articles scientifiques liés à cette activité écotouristique développée sur Moorea.